Misérable [Eclestia]

Sujet: Misérable [Eclestia] Lun 23 Sep 2013 - 2:20

Fall brisa sa miche de pain et commença à la distribuer dans la rue.

La capitale d’Eterna avait beau être bien riche dans la plupart des quartiers, elle avait comme partout ailleurs son lot de pauvres, de malades et de laissés pour compte. La plupart du temps, la milice et l’armée se contentait de les garder hors de vue ou bien d’empêcher qu’ils bloquent les rues importantes ou n’importunent les voyageurs. Tout le monde savait que ça n’arrangeait rien, mais depuis la séparation avec Nocta et Lumia, les réfugiés étaient plutôt bas dans les priorités. D’où la présence de Fall, qui venait parfois avec quelques hommes pour distribuer des vivres à même leur propres salaires.

La plupart des soldats ne comprenaient pas les motifs du lieutenant, comme tout le reste de toute façon. Si on se fiait aux faits connus, Fall ne venait pas d’Eterna, du moins pas de ce coin de pays. Pourquoi un mercenaire aiderait-il quelqu’un d’autre que lui ? On avait fini par lui demander directement, et le lieutenant avait simplement répondu.

« Si on ne peut pas aider un inconnu, nos actes n’aideront jamais personne. »

L’homme offrit un sourire à la vieille femme qui le lui retourna, plusieurs dents en moins. Il continua son chemin, riant avec ses camarades qui parlaient des performances désastreuses de la dernière cohorte de recrues.

Parfois, Fall se demandait plutôt s’il ne tentait pas de racheter ses actes, mais cela ne durait jamais longtemps. Il vivait selon de stricts principes, justifiant le sang sur ses mains. Peut-être pas en totalité, mais la personnalité du personnage lui permettait de faire fi de bien des maux psychologiques qui aurait pesé sur l’homme ordinaire. Pour les capitaines d’Eterna, il était bien avant tout une machine, un outil. Une pièce muette sur l’échiquier. Du moins, c’était ce qu’il avait toujours pensé d’eux.

Ils firent le chemin le long de la rue, amiablement surnommée « avenue des paumés » parce que le parapet du bâtiment jouxtant le mur de la ruelle donnait de l’ombre et un toit aux nombreux mendiants, malades et autres. Parfois, Fall ne pouvait que lancer des victuailles, ne pouvant pas se permettre de ce qui ressemblait à un nid de peste. La désolation était épuisante pour le moral et un à un, les soldats qui l’avaient accompagné le délaissait, si bien qu’il se retrouva seul au bout d’une demi-heure. Mais cela ne le freina pas et il partagea tout ce qu’il avait. Fatigué, il s’appuya contre le mur d’en face en essuyant la sueur sur son front. Le soleil de midi tapait fort, la chaleur montait. Des bruits de pas se firent entendre, trop bruyants pour de simples passants. Un instant plus tard, un régiment d’une trentaine de sol s’engageait dans la ruelle. À leur tête, un visage familier. La capitaine Kenwä Eclestia. De tous les capitaines, c’était la plus étrange, du moins celle que Fall cernait le moins. Comme si elle cachait sa vraie nature. Sur ce point, ils se ressemblaient, mais cela s’arrêtait là. Même l’apparence physique de la femme inspirait l’interrogation. Le lieutenant jeta un regard aux soldats qui suivaient la capitaine. C’était la cohorte de recrues dont ses hommes s’étaient moqués plus tôt. Capitaine Kenwä avait-elle décidé de les entraîner elle-même ? Fall se redressa et fit le salut réglementaire.

« Lieutenant Fall, au rapport, Capitaine. Une promenade de santé pour nos recrues ? »

Sujet: Re: Misérable [Eclestia] Jeu 26 Sep 2013 - 9:11

Une promotion prometteuse. La capitaine avait choisi ces hommes et femmes avec la plus grande minutie, tous des recrues, des bleus comme on dit mais aucun d'entre eux n'était véritablement un "troufion", et quand bien même. D'entre tous les supérieurs militaires elle était probablement la plus attentive et la plus sympathique à l'égard des personnes sous ses ordres, gardant tout de même une part d'autorité pour ne pas se faire marcher dessus, depuis le temps, elle avait appris. Une chose qu'elle avait observée durant de longues années et qu'elle observait toujours au sein de l'armée : les moqueries; selon elle c'était un fléau divisant, anti-cohésif et bien souvent elle remettait les personnes se permettant de brimer, à leur place, les "vétérans".

Nul n'était sans connaître, du moins pour ceux qui la connaissaient ou qui l'avaient déjà vu à l'œuvre; ses talents dans le domaine de la médecine et des soins magiques. Son bataillon, ou sa promotion comme elle aimait les appeler, était de sortie ce jour ci; en tenue militaire, armes au fourreau; ils la suivaient depuis la caserne; et comme d'habitude - on ne change pas une coutume perdurant depuis plus d'un siècle - elle entendit les rires, les bruits typiques. De simples soldats à ses yeux, elle ne leur prêtait pas attention. Aux alentours des quartiers Sud, Eclestia stoppa le pas, fit face à la colonne rangée et parla d'une voix claire et posée.

Nous allons dans l' "Holy Distrcit", les bas quartiers de la cité. Là bas vous mettrez en pratique vos connaissances médicales. Ce sera votre première tâche sous mes ordres. Vous êtes destinés à devenir des médecins ou des soigneurs militaires, sans vous l'armée n'est rien, alors; n'accordez aucun intérêt aux railleries de vos... camarades. Tout est clair ?
Oui Capitaine Kenwä!

Répondirent-il à l'unisson. Ils reprirent leur marche, dirigés par la "jeune femme". Le déplacement d'unité dans la capitale du monde n'était pas chose rare, les habitants ne prêtaient aucune attention aux soldats, ni même à leur responsable, ils vaquaient à leurs occupations, comme de bons civils qu'ils étaient. Ils arrivèrent rapidement aux abords de l'Holy District, la différence dénotait immédiatement avec le reste d'Eterna. Fort heureusement ce lieu était assez... petit. Ici était réunie toute la pauvreté de la ville, dans un enchevêtrement de taudis et d'insalubrité. Elle repensait à son enfance, ce quartier n'existait pas; les réfugiés, les pauvres... étaient aussi rares que les animaux les plus exotiques que puissent compter le Royaume.

Enfin, elle gardait ses pensées pour elle même, intérioriser était la clé de voute d'un capitaine équilibré, à peu de chose prés. Il arrivèrent. Sur place, il y avait déjà du monde, la longue rue bordée de bâtisses décrépies, sombres et crasseuses abritaient nombre de mendiants, malade, affamés; mais aussi d'autres soldats. Ils approchèrent encore et Eclestia s'arrêta. Lieutenant Fall. Elle l'avait déjà, en avait déjà entendu parler, un sombre personnage comme rarement lui en fut donné l'occasion de voir, mais peu importait à cet instant. Cet homme pouvait recevoir la sympathie l'éternelle.

Repos Lieutenant Fall. Une promenade de santé ? Si l'on veut. Il s'agit là de la nouvelle unité médicale de l'armée.

Dit elle en observant les quelques hommes distribuant des vivres à la peuplasse. Elle avait beau ne leur prêter qu'une maigre attention, elle reconnaissait tout de même la plus part d'entre eux, des vétérans, ceux-là mêmes qui perpétuaient la tradition militaire. Ses prunelles d'améthystes fendirent le regard du lieutenant puis reprit la parole, cependant on put comprendre qu'elle ne s'adressait pas uniquement au supérieur devant elle.

Unité un à cinq, occupez de la partie gauche, cinq à dix, de la partie droite de cette rue. Appelez-moi en cas de problème. Dit-elle sur un ton autoritaire.
Vous autres qui êtes sous les ordres du Lieutenant Fall, vous moquer d'une unité que je forme, c'est vous moquer de moi. Pour ce manque de respect, je supprime les permissions de votre unité pour le mois à venir, ainsi que votre solde. Plaignez-vous, et vous terminerez votre service dans les mines de sel du Royaume. Vous pouvez retourner à vos... occupations. ajouta-t-elle en abaissant la voix.
L'ordre, il n'y a que cela de vrai dans notre monde. Retirez l'ordre aux hommes, et c'est le chaos. En observant les alentours et les soldats aux visages déconfits.
Cela peut paraître dur comme sanction, mais ce genre de plaisanterie a assez duré. Acheva-t-elle en regardant pardessus l'épaule de son interlocuteur.

Sujet: Re: Misérable [Eclestia] Sam 28 Sep 2013 - 22:18

Fall ne put momentanément cacher sa surprise, mais se rappela tout de même de fermer la bouche, réflexe que plusieurs de ses hommes n’eurent pas. Ils étaient pour ainsi dire… Estomaqués. Le lieutenant se retourna un instant. Ils le regardaient, poings fermés et regard froid. Ils s’attendaient à ce qu’il s’oppose, sans doute. Au bout de quelques secondes, Fall baissa les yeux, et on peut entendre des hoquets de dépit. La mine grave, l’assassin finit par lever la main et faire un petit geste.

« Vous avez entendu Capitaine Kenwä. Notre conduite a été honteuse. Retournez aux quartiers militaires. Les permissions sont terminées pour le moment. »

Et ils s’en allèrent en traînant les pieds. Certains semblaient sur le point d’exploser de colère ; étais-ce ainsi qu’on traitait des vétérans ? Fall n’avait pour son dire que leurs intentions n’avaient jamais été belliqueuses ; mais cela, il ne comptait pas en parler. Voilà qui venait de lui coûter cher en termes de respect, songea-t-il. La Capitaine jouait néanmoins à un jeu dangereux, car elle venait de se faire des ennemis, ou du moins, des opposants. Sa force de caractère était…Admirable ? Fall jeta les yeux sur la troupe de recrues qui commença à s’affairer sur les mendiants de chaque côté de la rue. Des soigneurs ? Voilà ce qui expliquait leurs résultats aux épreuves physiques… Ce régiment était le plus faiblement côté au combat de toute l’armée d’Éterna, juste derrière les ingénieurs de siège… Pourquoi avait-il gardé leur fonction secrète jusqu’à Aujourd’hui ? Il resta aux côtés de la Capitaine, qui ne l’avait pas encore libéré. À partir du moment où un officier d’Eterna en rencontrait un autre plus haut gradé, il devait s’efforcer d’attendre que celui-ci lui donne la permission de disposer. Ce n’est pas tout le monde qui respectait les protocoles, mais après cette cuisante réprimande.

« Je suis heureux que l’armée accorde enfin des ressources pour les moins nantis. »

C’était le mieux qu’il puisse faire pour briser la glace. En toute vérité, Fall n’avait rien d’un homme en permanence sérieux et focalisé. Il était même un peu tête en l’air dans la vie de tous les jours, probablement une des causes de cette situation. Le côté plus obscur de sa personnalité, et de son existence, n’était l’affaire que de quelques personnes – comme la Capitaine Kenwä. Peut-être essayait-elle de la jauger, de savoir s’il était fiable, stable ? Tous n’approuvaient pas les actes de Fall, mais encore moins auraient apprécié l’intervention de la Capitaine envers des hommes qui ont sué sang et haut pour l’Empereur…

« Capitaine, il m’apparait raisonnable de demander à mes hommes, plus tard, de présenter des excuses au membre de votre régiment. Je vous prie également d’accepter mes excuses. Je – »
« NE ME TOUCHEZ PAS »

Fall détourna un instant son regard du visage envoûtant de la Capitaine et s’approcha de la source de l’éclat de voix. Un soldat était penché sur une femme que Fall avait déjà vue auparavant. Le militaire tentait d’examiner le bras de la mendiante, mal enveloppé dans des bandages si vieux qu’ils se décomposaient. Mais celle-ci se débattait et tentait de lui donner des coups de pieds. Le lieutenant s’accroupit et tenta d’offrir un regard rassurant.

« Solanne, cet homme est ici pour t’aider, tu n’as pas à avoir peur- »
« ETERNA EST POURRIE, VOUS ÊTES TOUS POURRIS »
« Solanne, je –»
« TU ES POURRIS TOI-AUSSI ! JE T’AI VU »

Fall agrandit les yeux d’étonnement. La femme pointa un regard accusateur vers lui, puis vers la capitaine. Sa bouche édentée exprimait un profond dédain.

« Tu te glisses entre les ruelles la nuit, comme un serpent, comme un chat, et tu prends, tu prends, le sang gicle, et tu prends. Je t’ai vu, j’ai vu la lumière danser. Mais tu n’es qu’un démon, un démon au service des dieux-démons, comme elle ! Une prostituée a plus d’honneur »

Le médecin tenta encore une fois de prendre son bras, mais Fall lui bloqua la voie de sa main. Son regard bleu sombre était tout à fait différent de l’instant précédent. Plus d’une cinquantaine de paires d’yeux, pauvres ou soldats, étaient posés sur eux. Il y eut un bruit, puis le lieutenant s’essuya la joue du revers de la main. Solanne venait de lui cracher dessus.

Le lieutenant Fall jeta un regard vers la Capitaine Kenwä.

Sujet: Re: Misérable [Eclestia] Dim 29 Sep 2013 - 15:25

Je lui aurais répondu sans l'interruption des éclats de voix un peu plus loin. Je n'étais pas si sadique cela, même, pas du tout. La parole est certainement l'arme la plus redoutable que l'homme peu manier lorsqu'elle est alliée à d'autres éléments tels que le pouvoir ou le charisme. J'observais, pour le moment, sans un mot cette femme au comportement assez suspect. Je supposai que sa turbulence et les propos qu'elle tenait était très certainement dus à une carence alimentaire, d'une part; et d'autre part à ses blessures, son état de fatigue..

Voilà pourquoi je n'aimais pas cet endroit, bien évidemment, outre sa crasse et pauvreté; il réduisait considérablement la personnalité des personnes y survivant, les rapprochait de l'état de barbare, ou d'animal dans les pires cas. Je ne tins pas compte de ces dire, bien que le passage sur le capitaine Fall attira un peu plus mon oreille que le reste. Je m'approchai.

Vous devez être bien mal en point pour parler ainsi, Solanne.

Je la regardai par dessus l'épaule du lieutenant. J'avais vu beaucoup de cas similaires le long de vie. Je sorti un tissu de sous ma cuirasse et le donnai à Fall, l'incitant à se relever. Jouait il un double jeu ici ? Bonne question. Je restais cependant inexpressive, même si elle me faisait un peu pitié. Malgré tout, je tendis le bras et la main vers. Ma main fine et pâle étincela d'une lueur blanchâtre rappelant vaguement les reflets de la lune, et les bras suintants de la femme reprirent un aspect plus vivant en quelques secondes, ses chairs ''réparées'', et ses premiers maux effacés.

Une pourriture aussi bienveillante, il n'y avait qu'à Eterna que c'était possible. Je baissai la main, et fis signe à deux de mes hommes de l'emmener. Elle serait observée et traitée en conséquence. Mon premier diagnostique n'était peut être pas le bon, des analyses plus poussées étaient nécessaires. Je préférais éviter l'apparition d'une maladie provoquant le délire...

En quarantaine. Dis-je avec le même calme.
Ne vous inquiétez pas Fall, aucun mal ne lui sera fait. Elle sera soignée. Je veux éviter la propagation d'un quelconque virus dans la cité.
Sinon, de quoi parlait elle ? Vous vous faufilez la nuit dans ces quartiers ? ce ne sont que des divagations je suppose. Ajoutais-je en souriant.

Je revenais sur ce sujet, forcément; tout le monde sait, ou du moins je le sais; la folie repose sur une part de vérité mais il faut cependant déterminer quelle est cette part, ce qu'elle concerne. Je n'étais la plus à même d'enquêter sur ce sujet, cependant je connaissais des personnes capables de le faire, dont la spécialité était de démêler de vrai du faux.

Et je n'allais pas m'en priver, Eterna ne pouvait accueillir dans ses rangs des personnes dissimulant ou agissant dans un sens contre la Couronne et l'image du Royaume, de plus je ne pouvais me fier aux dossiers, trop peu fournis; mis à disposition par l'administration. J'avais du mal à accorder ma confiance aux personnes m'entourant, et encore plus aux hommes, celui-ci ne fait exception en rien. Je restais souriante face au sombre lieutenant, et repris la parole une nouvelle fois.

Laissons nos hommes s'acquitter de leur travail ici, et discutons; j'aimerais en savoir plus à votre sujet, Fall. Dis-je en faisant quelques pas.
Vous signifierez le maintient de leur permission à vos hommes, plus tard.

Sujet: Re: Misérable [Eclestia] Ven 4 Oct 2013 - 1:51

Fall aurait pu s’attendre de bien des choses de la part d’un capitaine d’Eterna, en vertu de l’état actuel de la capitale, de son passé militaire et tout le reste. Mais il fut certainement et bêtement surpris de la réaction de son supérieur hiérarchique. Le lieutenant prit bêtement le tissu offert par Eclestia et se releva en prenant un peu de retrait, oubliant presque de s’essuyer le visage. Avec la même surprise, il la regarda donner des soins mineurs à la mendiante qui semblait confuse et à la fois méfiante. Comme Fall, elle devait avoir son dernier jour se lever à cet instant. La capitaine fit signe à deux de ses hommes de l’emmener aux quartiers militaires, « en quarantaine. ». Fall ne connaissait aucun service de ce genre mais ne pouvait nier l’existence d’une division de ce genre, surtout après avoir découvert l’existence d’un régiment dédié à la magie curative. C’est alors que la Kenwä s’adressa directement à lui. Fall porta sa main gauche derrière sa tête comme par gêne, accompagné d’un sourire du même genre.

« Elle m’a sans doute vu sortir d’un bar ou d’un truc du genre. La lumière dont elle parle étant celle de la porte d’un endroit illuminé s’ouvrant et se refermant, je dirais. J’aime ce coin de la cité, comme mes hommes, d’ailleurs. »

Il décida de ne pas en ajouter plus, et se demanda pourquoi Eclestia avait insisté sur le sujet. Ne savait-elle pas qu’il… ? Peut-être faisait-elle partie des capitaines volontairement mis à l’écart des aspects plus… particuliers… de l’armée d’Eterna. Fall n’avait honnêtement aucune opinion sur le sujet, mais l’un des points les plus vitaux de son arrangement avec les autorités restaient sa discrétion. Et il était discret.

La capitaine l’invita à laisser son régiment continuer sa besogne et à faire une petite marche avec elle. Selon ses dires, elle l’intriguait. Ce genre de déclaration le mettait mal à l’aise, mais il cacha rapidement son émotion et hocha de la tête.

« Il me sera ravi d’être votre escorte, Capitaine. »

Elle signifia son intention de ne pas appliquer la punition précédemment transmise et Fall afficha un sourire ravi. Voilà qui en dégriserait plus d’un plus tard. Il pouvait déjà voir la haine qui se serait transmise à l’égard de la femme si celle avait réellement suspendu les salaires pendant un mois entier… Mais Fall avait quand même perçu la tactique quelque peu cachée d’Eclestia. Elle venait de lui faire une faveur, la logique voulait qu’il se montre redevable… Mais la question est, en quoi ? Le lieutenant n’aimait pas ça.

« Je vous remercie de votre compréhension, Capitaine… Je… En savoir plus sur moi, dites-vous ? Je doute pouvoir mieux vous renseigner que les dossiers à mon sujet. »

Cruel mensonge, mais une personne sensée ne l’aurait pas vu ainsi. Le dossier de Fall était étonnamment complet et tangible, en vérité.

« Je viens de l’extrême sud d’Eterna. Je suis venu ici pour accomplir mon destin et vivre une vie meilleure. D’où je viens, nous naissons et vivons sans nom, car nous considérons que toute appellation de l’être doit être méritée. Beaucoup disent que mon surnom est présager de mauvais augures, mais la vérité est bien plus simpliste : je suis maladroit et je tombe souvent ! »

Il eut un petit rire.

« J’ai débuté comme simple soldat et j’ai fini par devenir lieutenant il y a environ un an. Ce fut tout un choc, car ma santé est fragile et je dois souvent interrompre mon service régulier. Mais sans apprécier les temps de violence qui sont devant nous, je suis plus que confortable de ma situation actuelle. Que pensez-vous, mon Capitaine, de ce qui ce passe en ce moment ? Je veux dire, de Nocta et Lumia ? Pensez-vous qu’Eterna est responsable des décès à l’origine de toute cette agitation ? »

Il serra les dents et baissa les yeux.

« Mes excuses, Capitaine Kenwä. Je n’ai rien d’un homme curieux, mais votre vision sur le sujet m’a semblé intéressante. J’oublie ma place, parfois. J’avoue être surpris que vous apportiez de l’attention à un simple lieutenant. Ma honte envers l’incident avec Solanne n’en est que plus forte !»

Ils tournèrent le coin de la rue et s’engagèrent dans l’avenue. Fall jeta un œil à son interlocutrice, à ses habits et son apparence général. Quelque chose de… surnaturel semblait émaner d’elle. Le lieutenant ne se sentait pas en confiance, ce qui était plutôt rare de par sa personnalité terre-à-terre et son calme habituel.

« Sans vouloir être indiscret, quels sont vos origines, capitaine ? J’avoue n’avoir jamais vu de gens au teint aussi pâle que le vôtre, surtout dans le nord d’Eterna, où le soleil est abondant. Votre peau me rappelle la neige qui tombe parfois dans les montagnes, au nord-ouest. Mais je doute que vous soyez nés des flocons éternels des monts blancs… »

Si tel cas, Eclestia Kenwä était un ange.

Sujet: Re: Misérable [Eclestia] Sam 5 Oct 2013 - 14:35

Je prêtais la même attention à toutes les personnes m'approchant de prés ou de loin, quelles qu'elles soient, lieutenant, soldat ou dignitaire. Cette nouvelle génération m'inspirait bien peu en comparaison de la précédente. Mon entrevue avec l'empereur et les autres capitaines, bien jeunes pour être de vrais meneurs; n'arrangeaient pas les choses; mais c'était Une autre question qui n'avait pas sa place ici, aujourd'hui. Quelque part, ce lieutenant m'amusait; non pas que je jouais avec lui et me délectais des tourments que je lui ''infligeais'', au contraire, c'était plutôt sincère. Ses questions ne me semblaient ni indiscrètes ni étonnantes, enfaîte, je les avais déjà entendu à maintes et maintes reprises au cours des dernières années, cependant l'une d'entre elle me semblait pertinente, ce fut donc la première à laquelle je répondis.

J'ai eus mon lot d'indiscrétions, une ou deux de plus ne changeront plus rien, enfin...
Aeris et Ora ont toujours été des villes sujettes à controverses... ce fut une erreur de les laisser prendre leur indépendance; mais ils l'ont voulu, ils l'ont eu; ainsi que tout ce qui accompagne la souveraineté. Eterna n'est pas à l'origine de... "cette agitation", du moins je ne le crois pas , ce sont "elles" qui le sont, elles ne peuvent s'en prendre qu'à "elles". Nous ne sommes pas seuls ici, il n'y a pas que Eterna, Lumia, et Nocta. Des choses se trame dans l'ombre des ruelles de cette cité, et certainement aussi des deux autres, mais quoi exactement ? Je n'arrive pas à le percevoir. Cependant, il est sûr que ces assassinats découlent de... Enfin; c'est un autre sujet. Dis-je en souriant.

Un sujet peu joyeux sur lequel j'avais des idées arrêtées et ce depuis la création des deux capitales secondaires et surtout de la nomination de deux dirigeants propres aux cités... La politique, je n'en étais pas adepte mais avais quand même un point de vue très net et surtout une idéologie très développée concernant les affaires du royaume que je parvenais à suivre avec régularité. Enfin, maintenant je pouvais aborder un autre sujet, plus souple. Peut être reviendrions nous sur l'histoire de l'empire un peu plus tard, mais quoi qu'il puisse en être, mon autoritarisme laissait bien peu de place aux hypothèses des autres, enfaîte seuls les dires de l'empereur avaient un réel impact sur mon processus de décision. Je jetai un regard approbateur au lieutenant, tout en souriant, et repris la parole.

Sinon, j'ai déjà vu les monts enneigés oui, mais de là à en être issue, non.
Pensez-vous que si j'avais été une tellement femme, je me serais mêlée des affaires des mortels ? haha Riais-je.
Je suis originaire d'Eterna, je veux dire, de cette cité. J'ai toujours vécu ici, pris soin des habitants; de l'empereur.
Les personnes comme Solanne mérite plus que quiconque notre attention. C'est à cause de personne délaissée comme elle que nous arrivons à des situations difficilement gérables. Enfin, dans tout ceci, heureusement que des gens tels que vous et moi existent. Souriais-je en m'arrêtant prés d'un bâtiment sur lequel été gravé des lettres argentées un peu ternies.
Ce quartier n'a pas toujours existé, il fut un temps où Eterna resplendissait vraiment, les habitants étaient plus heureux, mais depuis Ora et Aeris, tout a bien changé. Soupirais-je.
C'était une école ici, avant; j'y venais lorsque j'étais plus jeune.

Sujet: Re: Misérable [Eclestia] Mar 15 Oct 2013 - 13:26

Fall ne fut pas surpris d’apprendre qu’au final, même les capitaines d’Eterna nageaient dans le mystère par rapport aux meurtres des proches des dirigeants de la nouvelle Nocta et Lumia. Cepandant, la femme semblait avoir sa part de secrets, et aussi de soupçons. Envers lui ? Peut-être, mais le lieutenant ne se considérait pas une menace, du moins pas pour ceux qui restaient loyaux envers la cause d’Eterna. L’ombre pouvait être terrifiante, mais elle se voulait également salvatrice… Cela ne faisait pas de lui un saint, mais il n’y avait jamais vraiment réfléchi à vrai dire. Les remords ne le rongeaient pas. Il doutait que ce fusse le cas un jour.

Sa remarque sur les monts enneigés sembla la faire rire et Fall se sentit un peu moins inconfortable devant cet étrange et inquisiteur personnage. Son opinion par rapport aux démunis tranchait avec ce qu’il avait pu entendre des politiques de l’armée. C’était positif d’un côté, mais Fall se demandait pourquoi si peu, et si tard, d’aide arrivait au bas de l’échelle de la population. Il avait toujours cette mauvaise impression, une vision partagée par ses hommes, que les capitaines se prélassaient dans la richesse qui aurait pu nourrir des milliers de simples habitants. Évidemment, il se garderait d’en faire part à Capitaine Kenwä. Pour l’instant, observer.

Il ne put s’empêcher de froncer les sourcils lorsqu’elle parla du quartier et du bâtiment abandonné qu’ils longeaient sur leur chemin. Le jeune homme posa sa main sur la parois de brique, en éprouvant l’ancienneté.

« Pardonnez-moi Capitaine, mais… »

Il s’appuya contre le mur avec un regard inquisiteur.

« Je connais peu l’histoire d’Eterna et de la Capitale, car je n’en suis pas originaire. Mais je croyais avoir été informé que ce bâtiment avait fermé ses portes bien avant ma naissance à cause d’une épidémie ou d’une histoire du genre. Si vous l’aviez vraiment fréquenté, vous seriez au moins deux fois plus âgée que moi. Vous ne semblez même pas avoir trente ans… »

Peut-être qu’il y avait là une partie du mystère d’Eclestia, mais Fall ne pouvait l’imaginer avec précision. Une autre question gravitait en tête : pourquoi était-elle tenue à l’écart des autres capitaines et des secrets plus sombres d’Eterna ? Peut-être en raison de sa bonté envers les sans-abris, qui sait.

« Enfin, ce qui est fait est fait. Reste à savoir comment l’empereur voudra réagir. Une guerre est-elle en approche, ou bien de la diplomatie sans fin. Dans tous les cas, ce sera la population qui en souffrira. Ce n’est pas un reproche envers vous, Capitaine, mais bien envers Eterna elle-même. »

Il mit les mains dans ses poches.

« Nous ferions mieux de retourner à votre régiment, Capitaine. Ils vont finir par s’inquiéter…. Ou se faire de mauvaises idées. »

Sujet: Re: Misérable [Eclestia] Sam 26 Oct 2013 - 15:27

Les paroles du lieutenant Fall m'amusèrent toujours autant. Je m'amusais toujours à écouter les jeunes s'interroger sur mon âge, tenter de me situe, en général ils pensaient, et non à tort; que j'avais entre vingt et trente ans. Je ne répondis pas tout de suite. Nous reprîmes le chemin de l'autre rue, afin d'y retrouver nous hommes délaissés et leurs malades et autres nécessitants. À quelques pas de nos obligations, l'idée avait bien germé. Je me souvenais de la courte entrevue avec l'empereur, une réunion concernant l'avenir de l'empire et surtout celui des deux filles, et de l'exploration que je nommais "le nouveau monde". Le vieil nous avait demandé de parler de ceci aux hommes de l'armée, aux autres capitaines, autres lieutenants. Jusqu'ici je m'étais tue, ne m'intéressant en fait, pas vraiment à cette histoire. Mais maintenant qu'il en parlait.

Je n'ai plus trente ans depuis un long moment... Pour ce qui est de notre futur, il s'oriente vers les mers du nord. Bientôt certains d'entre nous embarqueront vers ces lieux inexplorés et ses dangers. Car nous ne pouvons autoriser que d'autres ne s'approprient ces territoires, et encore moins Lumia et Nocta. Vous savez Fall, que ce soit les civils, ou nous même, nous payons tous un tribut, ou finirons par le faire; certains doivent endurer plus que les autres, c'est inévitable; j'en suis un bon exemple.

Dis-je alors que nous arrivâmes auprès de nos troupes. J'observai autour de nous, chacun était encore au travail, ici il y avait tant à faire que je doutais qu'on en finisse un jour, et pourtant il le fallait bien.

Soldat Karen, faites moi un rapport de situation. Adressais-je à une jeune femme non loin.
Un très bon élément de mon unité, elle apprendre très vite; je ne doute pas qu'un jour, lorsque je n'aurais plus la volonté à servir dans l'armée; elle prenne ma place. Dis-je sur un ton sérieux au jeune lieutenant.
Au rapport, Capitaine Kenwä. Les indigents ont pour la plupart des maladie bénignes; nous allons leur administrer les médicaments nécessaires.
Bien. Des blessures à recenser ?
Euh... Oui, des escarres, plaies minimes et autres égratignures...
Vous les avez soigné ?
No..
Vous êtes ici pour parfaire votre médecine curative et incisive, vous maîtrisez la magie, servez-vous en.
Oui Capitaine!

La jeune femme s'éloigna, transmettant l'ordre aux autres soldats.

Mais pour le moment... Elle comme les autres sont en formation, et ce n'est pas toujours évident... Soupirais-je.

Dans le fond j'étais plus une professeur qu'une capitaine d'Eterna dans ces moments là. Je savais parfaitement que la plupart des autres capitaines n'accordaient pas autant de temps à leurs hommes, et femmes; moi je voulais qu'ils atteignent au moins le bas de ma cheville dans le domaine de la médecine. Je ne leur en voulais pas d'être, à mes yeux, médiocres; on ne rattrape pas à peu de chose prés cent cinquante ans d'étude et de pratique. Être capable de manipuler la magie médicale n'était pas donné à tout le monde, et cela nécessitait certainement bien plus de sérieux et de maîtrise que d'envoyer des boules de feu...

Vos hommes sont déjà aguerris aux techniques de combat je suppose; combien d'entre eux peuvent canaliser la magie ? Et vous, pouvez-vous ne serait-ce que la ressentir ?

Sujet: Re: Misérable [Eclestia] Jeu 21 Nov 2013 - 4:11

Le lieutenant Fall écouta attentivement la femme, mais ne put s’empêcher de laisser perler l’interrogation sur son visage. La capitaine était bien plus mystérieuse qu’il ne l’avait crû à l’origine, mais cela ne faisait qu’empirer désormais. Il essaya de la détailler à nouveau, sans pouvoir résolument croire qu’elle puisse avoir plus de trente ans. Des yeux plus charmeurs n’auraient pas été au délà de vingt-cinq, à vrai dire.

Ses propos furent intéressants dans la mesure où elles apportaient beaucoup de vérité, et d’une sagesse bien dissimulée dans le discours. Elle n’avait décidément que peu en commun avec les autres capitaines et Fall comprenait mieux qu’elle soit tenue à l’écart, directement ou indirectement. Une telle intelligence était… Dangereuse. Mais ces sombres pensées ne firent pas surface chez le lieutenant qui garda son air légèrement embarrassé et coopératif. Il garda le silence jusqu’à ce qu’ils reviennent aux troupes s’affairant sur les sans-abris.

Ils avaient fait du bon travail, il devait l’admettre. La rue semblait plus… Saine qu’il y a une demi-heure. Évidemment, certains s’étaient enfuis, d’autre refusaient les soins, mais c’était normal. Les gens avaient peur de l’armée. Avec raison ? Il y eu silence dans la tête de Fall pendant quelques instants, mais le soleil revint avec les mots de Kenwä.

« La mer, dîtes-vous. Je n’y suis pas à l’aise. Nous sommes faits pour courir, sauter, se battre. Mais nous n’avons ni branchies ni nageoires. Les océans appartiennent aux poissons. Mais ce n’est que ma nature qui me fait parler ainsi. J’ose espérer que nous trouverons ce que nous cherchons dans ces contrées inconnues… »

Il regarda la femme soldat s’éloigner, comme la Capitaine.

« Nous ne payons un prix que si nous en acceptons la valeur, Capitaine. L’homme façonne sa propre vie et en construit les règles. Il se fait un nom. C’est ainsi que vont les coutumes, d’où je viens. La vie est pour nous, une rébellion continuelle en elle-même. La fatalité n’a sa place que si on accepte les lois. »

Au sujet de la magie, Fall se contenta d’un sourire embarrassé avant de pointer les soldats affairés aux blessés.

« Je n’en sais pas plus que je ne le dois, je dois l’admettre. Les quelques hommes sous mes ordres sont tous des vétérans ; ils connaissent et respectent la puissance de la magie, sans toutefois la connaître personnellement. Beaucoup sont d’avis qu’une épée sera toujours plus fiable que la magie. Pour ma part, je pense que tout ce qui peut tuer est digne de respect, comme la foudre qui s’abat, par hasard, sur le plus simple des villageois. Une chance sur un million est une chance qu’il faut prendre au sérieux. »

Silence. Fall prit une grande inspiration.

« Capitaine, j’éprouve beaucoup d’intérêt envers ce royaume et ses intérêts. J’aimerais en savoir davantage sur ces facettes. Accepteriez-vous de m’accorder de votre temps, un soir ou un autre, dans cette vie ou la prochaine ? »

Quelques regards curieux s’étaient retournés vers eux, mais Fall faisait de son mieux pour les ignorer. Il n’avait que peu de courage dans ce domaine.