Es-tu si aveugle que cela ?

Le chant des oiseaux berçaient encore et encore à cette heure-ci la ville des Lumières. Inondée par un soleil resplendissant, la cité battait encore son plein, dynamique comme toujours. J'étais assise tranquillement sur un banc, attendant. Qu'attendais-je ? Que le temps passe car je n'avais quasiment ou du moins rien à faire jusqu'à une certaine heure. Cette fameuse heure était celle où chaque Lumière se devait d'entraîner son unité aux terrains d'entraînements. Je n'avais pas réellement l'habitude de croiser d'autres Lumières, prenant toujours l'initiative de partir dans la forêt pour des courses d'orientation, de repérage. Après tout un milieu hostile n'est-il point le lieu propice pour s'entraîner ? Personnellement je pense qu'il n'a pas de meilleurs moyens.

Enfin bon, les cloches de Lumia commençaient déjà à sonner. Ainsi je partais vers les Terrains de l'armée. En passant dans la rue, les seules idées et pensées qui me venaient en tête étaient celles de voir la population de Lumia heureuse et sereine. C'était alors une sorte de tranquillité fluide, douce qui nous permettait à tous et à toutes de vivre dans une harmonie quasiment parfaite. Bien sûr comme à chaque cité, Lumia a bien ses petits brigands de bas étage, ou encore des meurtriers. Mais comme toutes les cités, nous cachons nos plus grands défauts pour éviter l'injure, le rabaissement ou encore les comparaisons à Nocta. Alors que nous, nous représentons la force divine, pure et parfaite, les misérables de Nocta eux ne sont que vulgaires assassins, n'utilisant que des méthodes perfides pour gagner.

Ceci étant dit, le terrain d'entraînements était enfin devant mes yeux. Toujours presque endommagé par les perpétuels combats, celui-ci ne ressemblait à pratiquement rien. Mais bon, nous devions faire avec et au moins on savait exactement où se trouvait celui-ci. D'ailleurs celui où nous sommes est le terrain nord-ouest, le terrain que j'utilise le plus et pour cause, il y a plus de pentes, de boues et souvent il fait bien plus froid ici. Il était donc normal de venir entraîner mon unité ici pour qu'ils soient préparés à toutes éventualités de combats, sur n'importe quel terrain. Ainsi, mon unité était déjà présente sur le lieu, me voyant arrivée, toujours vêtue de blanc bien sûr, ils se placèrent en ligne droite. Ils suivaient toutes les consignes que je leur avais donné auparavant et bien sûr, ils avaient intérêt à les respecter.

« Bonjours à tous. Aujourd'hui nous allons nous consacrer au combat au corps à corps. Vous pouvez commencer à faire vos tours de terrain. »

Ainsi ils partirent tous pour faire les tours. C'était l'échauffement, ensuite il y avait les pompes, les étirements et bien d'autres choses diverses et variées. Néanmoins en tournant mon regard vers l'autre partie du terrain je m'aperçus que je n'étais pas la seule à occuper celui-ci. Un autre homme, devant une dizaine de personne. Carrure très imposante, pilosité faciale majoritaire. Il était lui aussi une Lumière vu les uniformes que portaient les soldats de son unité. Cela ne me dérangeait guère de partager mon terrain, au contraire. J'avais juste certaines choses à lui demander. Ma rapière étant toujours accrochée à ma ceinture et bien sûr toujours dans son fourreau, je partais en sa direction. Ses soldats me regardèrent avec de gros yeux, sûrement ne m'avaient-ils jamais vu.

« Lumière Sylphorn, je suppose ? Je suis Asuna, Lumière comme vous. Avez-vous eu l'autorisation de la princesse pour venir vous entraînez ici ? »

Il fallait bien être dans les règles, après tout.

L'unité de Sylphorn prenait un tournant majeur dans sa percée vers la normalité, et le décret que tenait fièrement le barbare dans sa main droite en était le témoin. Peu au courant des usages, la Lumière du Nord avait fixé le début de l'entraînement aux aurores, comme il en allait sur les bases maritimes... et aussi car notre grand bonhomme n'aimait pas la chaleur de fin d'été, trop "pussy" à son goût. Il était donc ridiculement tôt quand les dix gars que le barbu avait convoqué et fait venir à Lumia depuis la côte étaient arrivés. Fort du respect qu'il inspirait dans les rangs, Sylphorn commença par l'inspection, phase obligatoire au bon déroulement des choses dans une armée, surtout quand elle prend la mer. Tous étaient de bons bougres, bien entraînés et expérimentés, mais quel homme ne se laisserait pas tenter par les écarts de la vie ?

-Les gars ! Aujourd'hui nous sommes plus que jamais la fierté de Lumia ! Votre force, votre courage, votre hargne et votre volonté ont fait de vous des marins aguerris, prêts à affronter les mers et braver les dangers ! Aujourd'hui, mes frères, nous nous entraînons dans les murs de Lumia ! Et plus que jamais nous devons montrer l'exemple de force et de rigueur !! Commencez !!

Tous crièrent d'une seule voix "Oui !" et se mirent à débuter la course d'échauffement habituelle. Les dix marins, boucliers, épées, haches, lances et autres artefact dans le dos, avaient soigneusement lesté leurs vêtements, les bottes, surtout, afin de reproduire la difficulté que la course à marée basse offrait. Car sur le sol rocailleux du terrain, le sable humide et l'eau n'existaient pas, et le poids de ces deux éléments ne pouvait peser sur les jambes des marins. Chaque débarquement, chaque coup de rame, tout devait être puissant chez les marins, car ils étaient la première ligne, la très redoutée première ligne Lumienne. Sylphorn participait à l'entraînement, il fallait que son statut de grand-frère soit préservé, n'oublions pas que c'est grâce au respect de ses camarades qu'il fut gradé Lumière.

Après les duels de force au bouclier, les combats à mains nues, les mêlées, et autres exercices divers et variés, l'unité aux bras nus et habits de combat usés vit apparaître ce qu'ils perçurent comme étant les moines de l'église voisine. Ces gars-là ne faisaient apparemment pas parti du même monde que les marins, mais Sylphorn respectait tous les corps de l'armée sans exception, et, après avoir laissé les trente secondes de pause nécessaires à ses hommes pour observer la troupe immaculée, il les envoya de nouveau à l'exercice. S'ils avaient été sur la côte, ils seraient déjà en mer...

Puis elle vint. Petite chose rouquine aux proportions plaisantes.

-Oui, j'ai un papier qui m'autorise depuis hier.

Étrangement, tout le monde connaissait son nom, peut-être le bouclier circulaire étrangement bien réalisé qu'il portait au dos avait fait sa renommée ?

-Et euh... vous êtes responsable de quoi, vous ?

L'homme avait l'air plutôt compréhensible de mes actions. Tandis que ses hommes commençaient un peu comme les miens, la discussion était lancée. Rien qu'à sa carrure j'imaginais sûrement qu'il devait s'occuper d'une unité spécialisé dans le front. Je devrais sûrement alors à l'avenir combattre avec lui, qui sait. Enfin bon, l'homme répondit à ma question en précisant qu'il avait un papier. Je n'allais pas non-plus lui demander de le sortir, ses mots me convenaient pour savoir qu'il en avait l'autorisation. J'avais demandé cela auparavant car j'avais pour habitude d'être la seule avec mon unité sur ce terrain. Je suppose qu'il a choisis celui-ci pour les mêmes conditions que les miennes. Enfin il me posa la question sur ce dont j'étais chargé.

« L'unité que j'entraîne est malheureusement d'arrière garde.. -soupire-. Je ne comprends pas pourquoi on m'a chargé de m'occuper de celle-ci, moi qui suis sur les premières lignes de front. »

Il était vrai que cela n'avait absolument aucun rapport entre moi et ces personnes. Tandis qu'ils seront chargés des défenses de la cité, de soigné la population ou de la rassurer, moi je serai sur les premières lignes pour me battre contre l'ennemi. « Réunir par la différence » avait dit la Princesse. Je continu de penser que cela est absurde car je leur apprends à combattre contre des ennemis, pas contre des blessures. En soit on pouvait imaginer que mon unité était celle des personnes plutôt basé sur la tactique intérieur de la cité. Ceci dit cela ne voulait absolument pas dire qu'ils en étaient beaucoup moins puissants, au contraire.

Rien qu'à la vu de ses hommes on en déduisant rapidement que ceux-ci étaient chargé du front. Des armes au dos, peu habillés si ce n'est des peaux bestiales. Enfin bon, sa carrure correspondait exactement à son unité. C'était d'ailleurs assez drôle que moi, je me retrouve à entraîner une unité purement défensive, moi qui suis spécialisé dans l'offensif au corps à corps. D'ailleurs, Sylphorn doit être un combattant lui aussi au corps à corps, du moins avec ses poings. Moi j'utilise mon arme, voilà toute la nuance des choses. Mais je suppose qu'il doit se moquer de moi, petite comparée à lui et j'utilise une rapière pour me battre. Enfin bref, maintenant venons-en au but principal qui m'intéressait.

« Tant que nous sommes deux, ne voulez-vous pas faire un entraînement commun avec nos deux unités ? »

Cela augmenterait sûrement le potentiel de nos légionnaires, de combattre quelqu'un de vivant. Surtout qu'ils n'auront pas les mêmes stratégies chacun, cela les poussera sûrement à faire des décisions de dernière minute.

Le regard du colosse alla ensuite se poser sur la fine lame portée au côté de la jeune. Ce genre d'arme valait sans doute une fortune, et cette demoiselle devait faire partie d'une famille importante, pas étonnant que les hommes qu'elle menait soient une bande de semi-moines. Pour Sylphorn, tout le monde devait avoir la chance de faire ses preuves sur un champ de bataille plutôt que d'obtenir les postes privilégiés. Pour un barbare, le champ de bataille vaut toutes les acclamations d'un roi. Dommage donc que ce soit de l'arrière-garde que cette jeune femme réponde.

-Ahahaha ! Quant à nous, nous sommes la première ligne de la Marine Lumienne ! Nous nous occupons des débarquements, d'investir les terres inconnues jusqu'à l'arrivée du gros de l'armée, bref, on est un peu les bricoleurs de Lumia.

Il est vrai que ces hommes étaient aussi formés à la survie. Ces dix éléments étaient un échantillon des troupes que les Lumières et Oracles de la Marine Lumienne formaient sur les côtes. Des équipages organisés, terrifiants au combat et capable d'ouvrir des voies sur à peu près n'importe quel terrain en bord de littoral. En formant ses hommes de cette façon, la Marine Lumienne prenait déjà de l'avance sur ses rivaux Noctiens et Eterniens.

La proposition de la Lumière laissait Sylphorn indifférent. Pour lui, l'entraînement de base était fini, il était maintenant temps de partir sur un terrain plus révélateur des paramètres des lieux sauvages qu'un carré rocailleux.

-A vrai dire mes hommes ne sont pas vraiment faits pour coopérer avec l'arrière-garde mais plutôt pour la détruire et mettre la ville à sac, en général, mais soit, je pense que Lumia doit pouvoir compter sur des protecteurs de dernier secours, et ces derniers doivent-être forts !

Il rassembla ses hommes. Armées et en rang, ils attendirent les ordres.

-Ces messieurs de l'arrière-garde vont nous accompagner à l'entraînement. Nous allons simuler un pillage, vous serez les assaillants, et eux les défenseurs. Que je sois clair, ces hommes sont vos frères, je ne veux aucun mort ! Vous combattrez avec de l'équipement d'entraînement.

Il se détourna de ses hommes et alla toucher deux mots à son homologue de l'arrière-ligne.

-Je crois savoir qu'il y a un village en bordure de forêt non-loin de Lumia, pourquoi ne pas simuler là-bas ? Nos hommes prendront positions dans les bois. Cela vous va ?